... J'espère arriver un jour à ne plus parler de moi que pour en rire et faire rire.
Si je dessine mon propre visage bien plus souvent que celui d’autres personnes, c’est avant tout parce que je sais prendre de la distance vis-à-vis de lui.
Je regarde sans émotion particulière les volumes qui le forment, essayant de saisir la lumière qui s’y promène, toujours différente, le jeu des vides et des pleins... Je pourrais dessiner avec la même approche un paysage, la façade d’un immeuble ou un tas de pommes de terre.
Le visage des autres, c’est une autre affaire ! Bien vite, je me retrouve ému. L’empathie me gagne, ou au contraire la répulsion. Mais le pire – adieu façades, paysages et patates ! – c’est que je me mets à vouloir « faire ressemblant ».
Et puis, la personne qui pose pour soi, il faut soit la payer ou lui parler, parfois les deux à la fois, alors qu'entre moi et moi, c’est gratuit et silencieux. Je pose bien. J’anticipe les souhaits du dessinateur tout comme il respecte les miens. Nous sommes toujours prêts à nous excuser réciproquement quand l’un des deux n’a pas la forme. On s’entend bien.
Ce texte est publié dans l'album
Avec tout le Barnum et son train
de Jean-Luc Giraud.
LELIVREDART 2017